Sous la Restauration

« Démission » de Gleizal et de Levasseur

Le 2 juillet 1814, un des secrétaires de la Chambre des députés lut une lettre par laquelle Gleizal et Levasseur (ainsi d’ailleurs qu’un des messagers d’État, Sevestre) demandaient à renoncer à leurs fonctions en invoquant « un besoin de repos après de longues années d’un service assidu, soit dans les fonctions dont ils sont chargés actuellement, soit dans celles qu’ils ont remplies antérieurement dans les assemblées politiques et dans la carrière administrative » (AP II, 1, p. 93). Le 4, la chambre vota un hommage aux partants :

M. Lefèvre-Gineau. (..) Le Corps législatif et la Chambre n’ont jamais eu qu’à se louer du zèle et du travail de ces officiers. Ne serait-il pas juste de leur accorder, dans le procès-verbal de la Chambre, des témoignages de satisfaction, et d’ordonner qu’il leur sera donné expédition de ce procès-verbal en ce qui les concerne ? (La proposition est adoptée à l’unanimité. Le bureau est en outre invité à exprimer à MM. Levasseur et Gleizal sa satisfaction de leurs services).

Le procès-verbal d’un comité secret de la Chambre des Députés, en date du 17 avril 1823, révèle ce qui s’est passé en réalité en 1814. Cette séance était consacrée à l’examen d’une proposition « tendant à supprimer la pension de 4,000 francs accordée au sieur Gleizal, ex-conventionnel et ancien secrétaire-rédacteur du Corps législatif, comme ayant voté la mort du Roi » :

 » À l’heureuse époque de la restauration, le sieur Gleizal était secrétaire-rédacteur du Corps législatif ; plusieurs conventionnels occupaient alors des emplois qu’ils conservèrent en vertu de l’article 11 de la Charte. Des membres du Corps législatif (devenu Chambre des députés) conseillèrent au sieur Gleizal et à d’autres officiers de la Chambre aussi conventionnels de donner leur démission, qui pourrait servir d’exemple à leurs anciens collègues qui occupaient des places éminentes dans l’État ; on lui promit une pension de 4,000 francs qui, en effet, lui fut accordée par la Chambre dans sa séance en comité secret du 14 septembre 1814. (…) L’exécution de cet arrêté ne fut pas immédiat ; plus tard les événements du 20 mars y apportèrent des obstacles [et la Chambre de 1815, dans son comité secret du 16 décembre, ne voulut faire aucune exception :] elle considéra qu’il était de sa dignité et dans les principes de l’inviolabilité qu’aucun des juges du roi martyr ne fût compris sur la liste de ses pensionnaires. Elle le raya de son budget, mais elle respecta l’arrêté du 14 septembre 1814 en le renvoyant à se pourvoir devant le ministre de l’intérieur. Ce pourvoi aurait sans doute eu son effet, si l’application qui fut faite contre M. Gleizal de l’article 7 de la loi du 12 janvier 1816 ne s’y fût opposée. Il fut obligé de s’expatrier et a subi 30 mois d’exil. »

À son retour, en 1818, il obtint de la Chambre le rétablissement de sa pension, avec effet rétroactif à partir de 1818, mais le comité secret de 1823 le raya à nouveau des listes. Une nouvelle discussion, très animée, eut lieu en 1828, avec le même effet…

Élection de leurs successeurs

Une commission formée du bureau et des questeurs avait retenu, le 2 juillet, six candidats :  » MM. Lahays, Calvet, Philippe Delville et Despalières, anciens députés ; Letellier, ex-secrétaire-rédacteur du Tribunat ; Rousseau, ancien secrétaire du comité d’agriculture de l’Assemblée constituante « . Le 3 juillet, le scrutin désigne Despallières et Letellier dont un secrétaire lit le 6 une lettre ainsi libellée :
 » Honorés des suffrages de la Chambre des députés, nous acceptons les fonctions qui nous sont confiées avec un profond sentiment des devoirs qu’elles nous imposent. Veuillez, Monsieur le Président, recevoir et offrir à la Chambre le serment que nous prêtons de les remplir avec fidélité et dévouement. « 

En 1815, pour une raison qui reste à élucider, Letellier est remplacé par Aimé Martin et Despallières cède la place à Couchery. Les deux nouveaux secrétaires-rédacteurs sont confirmés en novembre 1816.

Règlement du 25 juin 1814, adopté par la Chambre des députés des départements  » dans ses conférences secrètes « 

Chapitre VII
Procès-verbaux
69. Deux rédacteurs, pris hors de la Chambre, sont chargés de rédiger les procès-verbaux et le feuilleton, sous la surveillance du bureau. Ils sont nommés par la Chambre, sur une liste triple de candidats présentés par le président, les vice-présidents, les secrétaires et les questeurs.
70. Les procès-verbaux, tant de séances publiques que des comités secrets, immédiatement après que la rédaction en est adoptée, sont mis au net, et signés du président qui a tenu la séance et de deux secrétaires au moins, ils sont ensuite transcrits sur deux registres signés par le président et deux secrétaires.
71. Les rédacteurs surveillent les copies des procès-verbaux des séances publiques, les envoient à l’imprimeur de la Chambre, dans les vingt-quatre heures, et en corrigent les épreuves ; ils exercent la même surveillance et prennent les mêmes soins pour les procès-verbaux des séances secrètes, quand la Chambre en ordonne l’impression.
72. Les procès-verbaux sont distribués à chaque membre de la Chambre, ainsi que toutes les pièces dont elle a ordonné l’impression.

73. Les rédacteurs surveillent les commis attachés aux bureaux de la Chambre. L’un des deux est nommé, par le président, chef du bureau des procès-verbaux, si la place de chef de ce bureau vient à vaquer.
(…) 77. Les rédacteurs et les messagers ne sont révocables que par la Chambre, sur la proposition du président et des questeurs.

L’ouverture d’une séance en 1820

On entend battre aux champs ; c’est le président qui se rend à l’assemblée, entre une double haie de vétérans qui présentent les armes. Le capitaine marche devant lui l’épée à la main, et un peloton de garde nationale borde l’escalier, qui lui sert de passage particulier. Quelques députés entrent dans la salle publique et prennent place à leurs bancs. Les tribunes se garnissent de spectateurs et de spectatrices. Les journalistes sont à leur poste. Le rédacteur du Moniteur tient sa place privilégiée avec son sténographe, dans le couloir à droite du président. C’est un homme court et rondelet, de quarante-cinq à quarante-huit ans, homme d’esprit et de sens, qui vit bien avec tout le monde ; un ministre lui sourit en passant ; un membre de la gauche disserte avec lui sur la proposition à l’ordre du jour ; un membre de la droite lui sert [sic] affectueusement la main ; et un député du centre l’invite à dîner. Les autres rédacteurs, en attendant les discussions, conversent dans leur loge sur la pièce nouvelle, et exercent leur gaîté aux dépens de M. Poyferré de Cère. (…)

 » Ôtez vos chapeaux, Messieurs !  » dit un huissier. Cet ordre est le signal de l’entrée du président. On ouvre les deux battants de la porte d’honneur, et le cortège descend majestueusement les gradins ; il est précédé par deux des huissiers et les deux messagers d’état ; le président vient ensuite ; quatre secrétaires de la Chambre et deux secrétaires-rédacteurs l’accompagnent. Le président s’assied au fauteuil ; les secrétaires prennent place au bureau, ainsi que les secrétaires-rédacteurs. Les huissiers vaquent à leurs divers emplois, et les deux messagers d’état se postent devant le banc des ministres, la face tournée vers la tribune, comme pour mettre à une épreuve continuelle la gravité des orateurs et celle du président. Les députés novices n’y tiennent pas toujours, et ce n’est qu’après un exercice de plusieurs mois qu’il est possible de considérer sans rire ces deux visages, dont on ne trouverait pas en France les deux pareils. Jamais atelage [sic] ne fut si bien assorti que le couple hétéroclite, ambo pares aetatibus, Arcades ambo, tous deux sont du même âge : environ soixante ans ; de la même taille : cinq pieds moins un pouce ou deux ; tous deux coiffés en fer-à-cheval, poudrés à blanc, et portant la bourse ; physionomie immobile, le nez en l’air, la démarche grave et le maintien décent ; l’uniformité de leur costume ajoute encore à leur similitude, et ils pourraient renouveler sans invraisemblance les quiproquo des Ménechmes et des Jumeaux de Bergame : habit de velours noir, à torsades en or, gants blancs, culotte de drap de soie, bas de soie blancs, souliers de castor, boucles d’argent, épée à bascule. L’emploi de ces fonctionnaires est de porter des messages à l’autre Chambre et au Conseil des ministres, et d’escorter le président. Leur traitement est de 6000 francs par an, et ils sont logés aux frais de la Chambre. Les deux secrétaires-rédacteurs sont chargés de rédiger les procès-verbaux des séances ; ils ont sous leurs ordres un chef de bureau et une dizaine d’employés ou expéditionnaires…
Henri de Latouche et al., Biographie pittoresque des députés, portraits, mœurs et costumes, 1820, p. XI-XV.

HEMICYCLE DE 1820 : L. secrétaires de la Chambre – M. secrétaires-rédacteurs – N. Messagers d’Etat –
Q. tables occupées jadis par les rédacteurs des journaux – R. Table du rédacteur du Moniteur –
S. Tribune actuelle des journalistes – T. Porte d’Honneur

Les hommes

3. Bernard-Charles-Elisabeth MARTIN des PALLIÈRES

(Cap Français, Saint-Domingue, 1767-Bayeux, 1848) est le troisième parlementaire à être devenu secrétaire-rédacteur. Il a eu plusieurs vies en quatre-vingts ans. Créole de Saint-Domingue, il succède à son père comme greffier en chef du Conseil supérieur, au Cap-Français, cultive des dons de peintre et de musicien, et sert comme aide de camp de Donatien de Rochambeau contre Toussaint Louverture. Après la victoire de l’insurrection, ruiné, il vivote de ses talents à New York, puis rentre en France, dans les propriétés familiales du marais vendéen et de Normandie, mais fréquente aussi les salons parisiens où tout ce qui est créole jouit alors d’une certaine faveur et où son art de miniaturiste est apprécié. Il y rencontre Chateaubriand, Fontanes, Isabey.
Désigné après le 18 brumaire comme candidat au Corps législatif pour la Vendée, il fut élu en l’an IX, puis à nouveau en l’an XIV. En 1805, il fut nommé questeur. En 1810, à l’expiration de son mandat, Napoléon le fit chevalier et l’aurait aussi pourvu « pendant quelque temps de l’emploi lucratif d’entrepositaire général des tabacs ». Ce que paraît ignorer l’auteur de la longue notice du Bulletin de la société historique de l’Orne dont nous tirons ces renseignements (Louis Duval,  » Colons bas-normands et créoles de Saint-Domingue « , 1895), c’est donc que notre homme fut aussi secrétaire de la présidence du Corps législatif (almanachs de 1812 et 1813) puis, brièvement, secrétaire-rédacteur de la Chambre des députés sous la deuxième (?) Restauration.
Mais le roi fit bientôt de lui le consul de France à Anvers, rattaché aux Pays-Bas par les traités et où il s’agissait de protéger les intérêts de nos marchands. Il y servit d’intermédiaire pour des achats de tableaux, destinés au Louvre (Le pouilleux de Murillo) ou au duc de Berry. Il aida aussi de jeunes peintres, dont Wappers, futur peintre officiel de la Belgique. En 1830, il négocia avec le prince d’Orange la vie des insurgés capturés par les Néerlandais.
Mis à la retraite, il devint maire de Bayeux, contribuant notamment à la création du musée de la ville.

4. Louis-Aimé MARTIN, dit Aimé-Martin

Né à Lyon entre 1781 et 1786. Mort à Saint-Germain-en-Laye en 1847. « Ses parents lui firent étudier le droit ; mais il préféra se consacrer aux lettres et en 1809, il vint à Paris contre le gré de sa famille. » Il avait déjà publié un éloge de Désiré Pététin, médecin lyonnais adepte du magnétisme animal, et il assura sa subsistance par des publications de vulgarisation scientifique mêlée de morale, destinées à la jeunesse, qu’il poursuivra jusqu’à sa mort. Commençant par des Étrennes à la jeunesse (1809-1812), réimprimées en 1813 sous le titre Recueil de contes et d’historiettes morales en vers et en prose, il se fit une réputation en 1810 grâce à ses Lettres à Sophie sur la physique, la chimie et l’histoire naturelle.

 » Ces lettres, en vers et en prose, sont écrites dans le style de Dumoustier . Si les formes de la galanterie et l’esprit porté jusqu’à la recherche fatiguent quelquefois dans les Lettres [à Emilie] sur la Mythologie, si l’on désirerait qu’un auteur, en parlant de Vénus, des Grâces et des Amours, fût un peu moins prodigue de madrigaux, à plus forte raison fait-on ce vœu quand on les voit se mêler à des dissertations sur les acides, les alkalis, et aux explications des phénomènes les plus graves de la chimie et de la physique. A cela près, les Lettres à Sophie ne sont pas sans mérite ; elles prouvent que l’auteur allie l’étude des sciences à la culture des lettres, ce qui n’est pas commun.  » (Biographie nouvelle des contemporains, 1824).

Michaud (Biographie des hommes vivants, 1818), relevant que le livre en est à sa cinquième édition en 1817, fait lui aussi la comparaison avec les Lettres sur la mythologie de Demoustier :  » Comme (ce dernier), et en surmontant plus d’obstacles, M. Aimé Martin a voilé l’érudition par la grâce, et a prêté le charme de la poésie et d’une prose élégante à des discussions naturellement sèches, et il a quelquefois évité l’afféterie, la fadeur et les autres défauts dans lesquels est tombé Demoustiers. » Les douzième et treizième éditions, en 1842 et 1847, parurent  » augmentée(s) de la Théorie du calorique rayonnant et des nouvelles découvertes sur la lumière, les interférences, la polarisation, le daguerréotype, le mirage, l’électricité, le feu central, les volcans, le magnétisme de la terre, etc. « 

À la même époque, Aimé Martin publie une édition de De l’existence de Dieu, de Fénelon (« augmentée des principales découvertes de la physique ») : le succès en fut moindre, mais c’est ce qui lui aurait ouvert l’accès de l’Ecole polytechnique. Aussi Raymond, un petit roman (1812) ; édition de Portrait d’Attila, par Mme de Staël, suivi d’une Epître à M. de Saint-Victor sur les sujets que le règne de Bonaparte offre à la poésie (1814). Il enseignait l’histoire de la littérature médiévale à l’Athénée lorsqu’en 1815 il obtint et le poste de secrétaire-rédacteur et la chaire de belles-lettres, grammaire, histoire et morale à Polytechnique (en remplacement de François Andrieux, trop voltairien pour le nouveau régime).

Il démissionna de la Chambre en 1829. En 1831, le ministre de la guerre lui enleva son poste à Polytechnique, mais il obtint celui de conservateur de la Bibliothèque Sainte-Geneviève. Dans cette dernière période de sa vie, il a publié un Plan d’une bibliothèque universelle ; étude des livres qui peuvent servir à l’histoire littéraire et philosophique du genre humain, introduction à une collection appelée Le panthéon littéraire (1837) ; on lui doit aussi des éditions commentées de Racine, La Fontaine, Boileau, Molière, Fénelon, La Rochefoucauld, Plutarque, Descartes, etc. ; La gageure, comédie (1836) ; Caligula, tragédie en cinq actes (1838) ; Le livre du cœur, ou Entretiens des sages de tous les temps sur l’amitié, ouvrage destiné à la jeunesse ; un Guide pittoresque de l’étranger à Paris (1834) ; ainsi que de nombreux articles dans le Journal des Débats.

Il fit paraître en 1834 (au lendemain de la loi Guizot) un ouvrage qui lui a valu une place dans le Nouveau dictionnaire de pédagogie de Ferdinand Buisson, Education des mères de famille, ou De la civilisation du genre humain par les femmes. Il y affirme :  » L’instruction primaire ne peut devenir universelle dans les campagnes que par les femmes… Instruire les jeunes filles, c’est faire une école de chaque maison. « 

Disciple rare : admirateur de Bernardin de Saint-Pierre, il poussa la constance jusqu’à épouser sa veuve (jeune, il est vrai), à adopter sa fille et à éditer ses œuvres – à commencer par les Harmonies de la nature, mais en allant jusqu’aux œuvres complètes, réunies en 12 volumes (1818-1820) mais parfois tronquées ou réécrites, de sorte qu’Aimé Martin ne détonne guère à côté des censeurs Couchery et Sillans.
Ce fut aussi un proche de Lamartine, qui soutint sa candidature à l’Académie française contre celle de Vigny et prononça son éloge funèbre :

« J.-J. Rousseau, sur la fin de ses jours, dans ses promenades solitaires et dans ses herborisations autour de Paris, avait versé son âme dans celle de Bernardin de Saint-Pierre ; à son tour l’auteur de Paul et Virginie, dans sa vieillesse, avait versé son âme dans celle d’Aimé Martin, son plus cher disciple, en sorte que, par une chaîne ininterrompue de conversations et de souvenirs rapprochés, l’âme d’Aimé Martin avait contracté parenté avec les âmes de Fénelon, de J.-J. Rousseau et de Bernardin de Saint-Pierre »

– comme pour rallonger la chaîne, la veuve d’Aimé Martin, morte peu après celui-ci, fit de Lamartine son légataire universel.

La Biographie pittoresque des députés, déjà citée (p. XV) en fait ce portrait en 1820 :  » littérateur connu dans les salons, pour avoir mis la physique et la chimie à la portée des dames en rimant Cuvier et Chaptal. Il se dit élève de Bernardin de Saint-Pierre, et il a dernièrement attaché son nom à celui de l’auteur de Paul et Virginie, en publiant une édition de ses œuvres ; mais ses véritables maîtres sont Dorat, et qui pis est, Desmoustier ; c’est dans leurs ouvrages qu’il a respiré cette odeur de jasmin et cette fleur d’orange, où ses vers et sa prose sont tout confits. Si M. Aimé Martin a quelque chose de commun avec Bernardin de Saint-Pierre, ce n’est pas le style. Il occupe à la Chambre la place de M. Tellier [Letellier], destitué en 1815, et à l’École polytechnique, la chaire de M. Andrieux. « 

Sources : La littérature fr. contemporaine, de J. M. Quérard ; Nouvelle biographie générale de Hoefer (1843) ; Biographie universelle de Feller (1867) et ouvrages cités ci-dessus.

L’ami de la religion, samedi 31 janvier 1829, page 379 : «  M. Aimé-Martin, l’un des deux secrétaires rédacteurs de la chambre, ayant donné sa démission, il sera pourvu à son remplacement après la constitution définitive de la chambre. Les secrétaires rédacteurs sont nommés au scrutin, sur présentation d’une liste triple formée par le président, les 4 vice-présidents, les 4 secrétaires et les 2 questeurs.  » Même journal :  » On ouvre un scrutin pour la nomination d’un secrétaire-rédacteur des procès-verbaux, en remplacement de M. Aimé Martin, démissionnaire. Il y a 338 votants, majorité absolue, 170. Les suffrages se partagent entre les trois candidats présentés par le bureau : MM. Lagarde, 171 ; Delalande, 159 ; Guillemot, 9. M. Lagarde ayant obtenu exactement la majorité nécessaire, est proclamé secrétaire. M. de Silans, autre secrétaire rédacteur, conserve toujours ses fonctions.  » – on trouvera la biographie de Lagarde dans le chapitre consacré à la Monarchie de Juillet.

5. Victor COUCHERY

(1779-1846), né à Besançon, où il enseigne un moment les belles-lettres. Grâce à Moncey, il occupe un emploi de chef de bureau à l’inspection générale de la gendarmerie, après le 18-Brumaire. Impliqué dans la conspiration de Pichegru (comme son frère aîné Jean-Baptiste, ancien membre des Cinq Cents), il fut acquitté en 1804… mais retenu en prison jusqu’en 1814 ! On peut ainsi suivre sa trace du Temple à Vincennes, puis à Ham.

Son frère, qui était resté à Londres où il avait publié le Moniteur secret, fut anobli et nommé secrétaire du roi en 1814, mais mourut aussitôt. Victor ne fut que censeur (du Journal des Débats, puis de La Quotidienne).  » Comme le censeur avait souvent besoin d’être censuré lui-même, cet emploi lui a été retiré en 1816, par un ministère qui commençait à s’effrayer de son propre ouvrage  » et c’est alors qu’il devint secrétaire-rédacteur de la Chambre. Son compatriote Nodier le tenait en haute estime mais la Galerie historique des contemporains l’exécute ainsi :  » Couchery est un intriguant très-subalterne, mais très-actif, qui n’est pas sans esprit, et auquel sa position auprès de Monsieur [il était lecteur du comte d’Artois] doit nécessairement donner une certaine importance.  » La Biographie pittoresque remarque :  » Une longue et cruelle captivité aurait dû lui faire sentir les avantages d’un gouvernement libéral.  » L’ami de la religion, t. 51, 1827 :  » M. de Couchery ayant [pour raison de santé] donné sa démission de sa place de secrétaire-rédacteur de la Chambre des Députés, la chambre a nommé dans son dernier comité secret M. de Silans pour le remplacer « .

6. Emmanuel-François-Benoît ROLLAND de SILLANS

(Aix, 1783 – Florence, 1859), fils aîné d’un greffier au parlement de Provence, conseiller secrétaire du roi, qui avait acheté la terre de Sillans (Var) en 1781 et reconstruit en 1800 le château détruit par ordre de Barras. Emmanuel de Sillans, maire de son village (1805-1815), est destitué par le préfet Defermon comme royaliste. Sous la Restauration, il entre dans l’armée comme capitaine et figure jusqu’en 1822 sur les états du 10e régiment de chasseurs (Gard).
Devient donc secrétaire-rédacteur en 1827. Il sera nommé la même année au comité de censure, en remplacement de deux professeurs d’histoire qui avaient refusé d’y siéger :  » Toutes les places vacantes n’ont pu être remplies. Seulement un employé sans emploi et un secrétaire de la chambre des députés se sont précipités, comme d’autres Décius, dans les honneurs et les appointements de la censure. Le dernier, M. de Silans, a des fonctions qui ne pouvaient se concilier avec sa nouvelle tâche. Mais on suppose que toutes les considérations ont dû céder à l’à-propos de son nom.  » (Salvandy, mais Chateaubriand en parle aussi). Quitte le service de la Chambre (démission) en décembre 1834.
Sources : Nobiliaire du département des Bouches-du-Rhône, p. 153 ; Edmond Poupé, Le département du Var, 1790-an VIII, 1933

Le couple Couchery-Martin semble avoir poussé ses goûts de censure un peu loin, si l’on en croit ce compte rendu de Léon Thiessé dans les Lettres normandes (tome IX, 1820, p. 275-6) :

 » La Chambre de 1815, guidée par cet esprit de réaction qui a fait tant de mal à la France, débuta dans la carrière des épurations en destituant elle-même tous les employés de ses bureaux, et tous les officiers de son administration. L’intérêt public fut très-peu consulté dans ces changements ; il suffisait d’avoir aimé la liberté pour être chassé ; il suffisait d’avoir donné des gages au parti oligarchique pour être investi des plus importantes fonctions. C’est ainsi que les secrétaires-rédacteurs qui exerçaient depuis de longues années, et qui portaient dans la rédaction des procès verbaux autant de talent que d’impartialité, furent remplacés par deux hommes sans aucune habitude de ce genre de travail, et qui n’avaient d’autre talent que le plus furieux ultra-royalisme. Il est advenu de là que les procès verbaux, depuis trois ans, ne sont pas seulement longs, pénibles et fastidieux, mais rendent fort rarement avec impartialité le mouvement des séances, et les discours des orateurs. Déjà une foule de membres s’en sont aperçus, et l’on espère que le remède ne se fera pas attendre long-temps. La séance du 30 décembre a été ouverte par un discours de M. Benjamin Constant, qui a témoigné son étonnement de la partialité avec laquelle les procès verbaux étaient rédigés. Dans la dernière séance le ministre Pasquier, après s’être permis d’insulter une notable partie de la Chambre, avait été vertement relevé par M. de Chauvelin ; et s’était lui-même avoué calomniateur, en ne répondant pas aux interpellations qui lui étaient faites. Dans le procès verbal l’esprit de cette discussion est tout à fait changé. On n’a eu garde d’oublier les injures libéralement distribuées par le ministre, mais on n’a pas mentionné la réponse de M. Chauvelin : de sorte que les calomnies du diffamateur paraissent n’avoir provoqué aucune réponse. M. Benjamin Constant tance MM. les secrétaires-rédacteurs, et demande que mention de ladite semonce soit faite par les coupables eux-mêmes dans le prochain procès-verbal. La Chambre adopte cette proposition ; et MM. les ultrà-rédacteurs sont censurés. «