Les secrétaires-rédacteurs de l’an III

Du Directoire à l’Empire

L’appellation semble être une création de la Révolution. Sous la Législative, il arrive qu’elle soit appliquée aux secrétaires parlementaires dont c’est le tour de rédiger le procès-verbal, par opposition aux « secrétaires-commis » (cf. notice de Ducroisy). Sous la Convention cependant, on la trouve (fâcheusement) rapportée à Sénar, secrétaire-rédacteur du Comité de sûreté générale. Mais le décret du 28 fructidor an III ne mentionnait que des « rédacteurs », distingués des secrétaires parlementaires :

Procès-verbaux

Art. Ier. Le Conseil des Anciens et le Conseil des Cinq-Cents choisiront, chacun hors de leur sein, deux rédacteurs pris parmi les hommes les plus exercés dans les lettres et dans la science des lois ; ils seront chargés de la rédaction des procès-verbaux.

II. Les rédacteurs rendront compte sommairement des motifs développés dans la discussion.

III. Immédiatement après que les procès-verbaux auront été adoptés, ils seront mis au net, signés du président et d’un secrétaire, et envoyés de suite à l’imprimeur.

IV. Les épreuves seront corrigées par les rédacteurs.

V. L’imprimeur délivrera tous les mois, à chaque député, à domicile, un exemplaire complet et broché des procès-verbaux du mois.

VI. Il en sera de même pour toutes les pièces dont l’impression aura été ordonnée.

VII. L’imprimeur de chacun des Conseils communiquera directement avec la commission chargée de surveiller l’administration et les dépenses relatives à la tenue des Conseils.

VIII. Les impressions relatives aux objets de la discussion seront distribués (sic) à un bureau destiné à cet effet.

IX. Toute pièce originale qui sera remise à l’assemblée sera d’abord copiée par l’un des commis du bureau, et la copie, collationnée par un des secrétaires et signée de lui, demeurera au secrétariat. L’original sera aussitôt après déposé et enregistré aux archives.

X. Il y aura deux minutes originales des procès-verbaux, dont l’une sera déposée aux archives, et l’autre demeurera au secrétariat de chacun des Conseils, pour son usage.

XI. Les procès-verbaux seront toujours signés par le président qui aura tenu la séance. (…)

Loi sur la mise en activité de la Constitution, du 3 nivôse an VIII (24 décembre 1799)

10. Le Corps-Législatif et le Tribunat auront chacun deux secrétaires-rédacteurs.

Règlement du Corps législatif, 27 nivôse an VIII.

10. L’ouverture de la séance est fixée à midi précis.

11. Les membres du Corps Législatif, après s’être réunis dans un local particulier, se rendent en corps dans la salle, ayant à leur tête le président, suivi des secrétaires et précédé des huissiers, des messagers d’État et des secrétaires-rédacteurs. La garde d’honneur présente les armes, et les tambours battent au champ.

Procès-verbaux.

54. Le Corps législatif nomme, hors de son sein, à la majorité des suffrages, deux secrétaires-rédacteurs. S’il y a lieu à plusieurs tours de scrutin, on n’y procède qu’à trois jours d’intervalle.

55. Ces deux secrétaires rédigent les procès-verbaux, sous la surveillance du bureau. Ils y rendent compte des motifs développés dans les discussions.

56. Les procès-verbaux, immédiatement après que la rédaction en est adoptée, sont mis au net, et signés du Président qui a tenu la séance, et de deux secrétaires au moins.

57. Les rédacteurs en surveillent la copie et l’envoient à l’imprimeur dans les vingt-quatre heures ; ils en corrigent les épreuves.

58. L’imprimeur du Corps législatif communique directement avec la commission des inspecteurs. Il fait porter à domicile, dans la première décade de chaque mois, aux membres du Sénat Conservateur, du Corps législatif et du Tribunat, un exemplaire, relié en carton, des procès-verbaux du mois précédent.

Règlement intérieur du Tribunat, 27 nivôse an VIII

3. La salle n’est ouverte qu’au moment de la séance. Les membres du Tribunat, après s’être réunis dans un local particulier, y arrivent chaque jour en corps, ayant à leur tête le président, suivi des secrétaires et précédé des huissiers, messagers-d’état et secrétaires-rédacteurs …

57. Le Tribunat choisit hors de son sein deux secrétaires-rédacteurs des procès-verbaux qui rendent compte sommairement de la discussion. Lorsqu’une de ces places est vacante, ceux qui se proposent pour la remplir ont six jours pour le déclarer à la commission des inspecteurs.

58. Les procès-verbaux adoptés sont mis au net, signés du président, d’un secrétaire, et envoyés de suite à l’imprimerie. Les épreuves sont corrigées par les secrétaires-rédacteurs. Il y a deux minutes originales des procès-verbaux, toujours signés par le président et les secrétaires qui ont tenu la séance ; l’une est déposée aux Archives, et l’autre reste au secrétariat du Tribunat.

Le recrutement

Les secrétaires-rédacteurs sont élus. Tous le furent le 7 brumaire : après l’élection des quatre messagers d’État, le Conseil des Cinq Cents « procède à un second scrutin pour la nomination de deux secrétaires-rédacteurs des procès-verbaux (…) La majorité des suffrages est pour les citoyens Ducroisy et Levasseur (de la Meurthe), ex-député.« . Le Conseil des Anciens, de même, « procède au choix, par scrutin secret, de deux rédacteurs des procès-verbaux, et de quatre messagers d’État. (…) Les deux secrétaires-rédacteurs sont les citoyens Ducroisy et Lokerey [sic]. » Le lendemain, s’apercevant que les Conseils avaient « réuni leurs suffrages » en faveur de Ducroisy, les Cinq Cents décident de le remplacer par le candidat arrivé troisième. (Réimpression de l’ancien Moniteur (RAM), vol. 26, pages 350-351).

Les secrétaires-rédacteurs du Conseil des Cinq Cents étaient en fait des représentants repêchés, deux anciens Conventionnels réélus mais empêchés de siéger, l’un par la loi de Floréal, l’autre par le Conseil des Anciens. Ils conservèrent leur fonction jusqu’à la fin de l’Empire. – Le Conseil des Anciens recourut, quant à lui, à des agents de la Convention : Ducroisy était déjà chargé de la typographie (c’est-à-dire, essentiellement, de la correction des épreuves d’imprimerie), Locré était secrétaire du comité de la législation.

Les SR des Cinq Cents et des Anciens sont maintenus dans leurs fonctions les 11 et 12 nivôse an VIII par le Corps législatif et le Tribunat, sauf Locré, nommé « dans les mêmes fonctions » au Conseil d’Etat. Il est remplacé par Letellier qui déclare par écrit accepter ses fonctions et « jure fidélité à la Constitution » le 18 nivôse, après avoir été élu au deuxième tour, par 42 voix contre 35 à Jourdan, rédacteur en chef du Moniteur ; le 14, au bout du délai de trois jours ouvert pour les inscriptions, les tribuns s’étaient trouvés face à soixante candidats et, le 15, un certain Coulon-Thévenot avait même présenté une pétition pour être inscrit sur la liste – c’était un sténographe, auteur de méthodes de sténographie, qui avait été dénoncé sous la Terreur par un disciple de Bertin… Au Sénat conservateur, on nomme « un secrétaire-rédacteur et un secrétaire-rédacteur adjoints, qui seront désormais chargés de la signature des actes et messages » de cette assemblée. Il s’agit respectivement des citoyens Cauchy et Alphonse Gail  » (communication du 21 nivôse au Tribunat, Archives parlementaires. I, p. 57) – le deuxième se nommait en fait Gary. 

Le traitement

Le 24 frimaire an IV, sur rapport de Dornier, le Conseil des Cinq Cents fixe le traitement des secrétaires-rédacteurs “à la valeur représentative de deux mille deux cent cinquante myriagrammes de froment, et celui des messagers d’État à celle de deux mille.” (RAM 26, p. 719-720). Rappelons que la Constitution du 5 fructidor an III fixait le traitement des législateurs à 3 000 myriagrammes (article 68) et celui des Directeurs à 50 000 (art. 173). La discussion du rapport de Dornier, le 4 frimaire, n’est pas sans intérêt :

DORNIER continue : Citoyens représentants, vous avez chargé votre commission des inspecteurs de vous faire un rapport sur le traitement à accorder aux messagers d’État, sur les moyens à leur fournir, pour qu’ils puissent remplir leurs fonctions avec la rapidité, la décence et la dignité qui leur convient. Votre commission avait prévu une partie de vos intentions ; déjà elle avait fait mettre à leur disposition une voiture et des chevaux, elle a pensé qu’une seule pouvait présentement suffire ; le conseil n’ayant de message à envoyer qu’à celui des Anciens seulement, et dans quelques cas extraordinaires au Directoire exécutif. Ce ne sont point des vues d’économie qui l’ont dirigée, mais elle a cru que le conseil ne voulait pas étaler autour de son enceinte, un luxe inutile et superflu, elle ne négligera aucun moyen pour allier la dignité qui est due au conseil avec la prompte exécution de ses résolutions. La commission leur a aussi trouvé un local commode, décent, et dans l’enceinte même de ce bâtiment. Elle s’est encore occupée des étoffes nécessaires aux costumes, et sous quelques jours tous les employés près du conseil les recevront. Pour ce qui concerne le traitement, votre commission a cru qu’elle ne pourrait, dans ce moment, où vous vous occupez d’améliorer les finances, que le fixer provisoirement et pour le mois de brumaire, etc. Elle l’a porté à la somme de 6,000 livres, elle vous propose de l’établir sur la valeur représentative de 1,500 myriagrammes de blé, base que la constitution a adoptée généralement. Votre commission s’est trouvée dans le même cas pour les secrétaires rédacteurs ; aucune loi n’a fixé leur traitement, il a fallu en déterminer un provisoire qui a été porté à 7,500 livres pour le mois dernier. Elle a envisagé que les fonctions que ces derniers auraient à remplir, étaient d’un genre bien différent et beaucoup plus pénible que celle des messagers d’État, voilà la seule raison qui a motivé son opinion, l’une et l’autre de ces fonctions sont honorables ; votre commission vous propose de le fixer sur la valeur représentative de 2,250 myriagrammes de froment. Voici, en conséquence, la résolution que je suis chargé de vous proposer. Le traitement des messagers d’État du corps législatif est fixé à la valeur représentative de 1,500 myriagrammes de froment, et celui des secrétaires-rédacteurs à 2,250.

On demande à aller aux voix.

LECOINTE-PUYRAVEAU : Je combats le projet de résolution, en partant d’une idée du rapporteur qui a dit que les fonctions de messager d’État et de secrétaire-rédacteur étaient aussi honorables qu’utiles. La preuve que vous avez voulu que ces fonctions fussent considérées, c’est que vous y avez nommé d’anciens membres de la Convention nationale. (Des murmures interrompent.) Permettez-moi d’achever : vous avez nommé d’anciens membres de la Convention, non parce qu’ils avaient été membres de la Convention, mais parce qu’à toutes les époques de la Révolution ils ont donné des preuves d’un républicanisme prononcé. Je disais que des fonctions importantes ont été confiées aux messagers d’État et aux secrétaires rédacteurs ; que les premiers exigent beaucoup de confiance, et les autres beaucoup de travail et de grands talents. Je conclus de là que si vous adoptez à leur égard des vues d’une économie mal entendue, vous manquez votre but. J’aurais désiré que le traitement des messagers d’État fût égal à celui des secrétaires ; mais puisqu’on a cru devoir, je ne sais pourquoi, établir une différence, je demande que le traitement des messagers d’État soit fixé aux six huitièmes, et celui des rédacteurs aux sept-huitièmes de celui des représentants.

N*** : Je pense comme Lecointe que le traitement proposé est insuffisant, et je désirerais qu’il fût plus fort que l’indemnité des représentants. (Des murmures s’élèvent.) Les représentants appelés momentanément au corps législatif, n’ont besoin que d’une indemnité qui satisfasse strictement à leurs besoins ; mais des fonctionnaires publics, qui sont inamovibles, qui ne peuvent être destitués que dans le cas où ils seraient accusables, doivent avoir de quoi subsister, de quoi même économiser et élever leur famille.

BION : Je demande l’ajournement de la résolution jusqu’après l’adoption du plan des finances. Plusieurs membres se réunissent à cette proposition. Elle est adoptée. (RAM 26, p. 541)

Ces lois des 26 frimaire et 1er nivôse an IV (17 et 22 décembre 1795) sont rapportées le 28 frimaire an V et le traitement des rédacteurs fixé à 5 000 F (4 000 pour un messager d’Etat, 2 000 pour un huissier ; un membre du corps législatif perçoit 10 000 F, un tribun 15 000, en 1799).

Le costume

La loi du 3 brumaire an IV n’y a pas pourvu : elle ne mentionne que les législateurs, les messagers d’État et les huissiers. En nivôse an VI, ce point est réglé : les secrétaires-rédacteurs porteront un habit et un pantalon de laine violette, un manteau de soie de même couleur, bordé de bandes de velours noir, une ceinture de soie couleur violette avec une frange en or à cordelière, des bottines noires, un chapeau noir et rond, relevé par une ganse et bouton d’or, orné d’une cocarde nationale et surmonté de trois plumes noires. « Les habits énoncés dans les articles précédents seront croisés jusqu’aux genoux et les manteaux ne dépasseront que de deux pouces. Toutes les étoffes et matières dont se composent les costumes énoncés en la résolution seront de manufactures nationales. »

Cette tenue un tantinet épiscopale a-t-elle été réellement portée ? En tout cas, deux ans plus tard, on revient à quelque chose de nettement plus sobre :

Loi sur la mise en activité de la Constitution, du 3 nivôse an VIII (24 décembre 1799) 13. Le costume des membres du Corps-Législatif consiste en un habit fermé, bleu national, doublure de même couleur, collet et paremens brodés en or, ceinture tricolore avec des franges en or, chapeau français avec des glands en or. 14. Le costume des tribuns consiste en un habit fermé, bleu clair, doublure de même couleur, collet et paremens brodés en argent, ceinture tricolore avec des franges en argent, chapeau français avec des glands en argent. 15. Les habits du Corps-Législatif et du Tribunat seront en velours pendant l’hiver, et en soie pendant l’été. 16. Les secrétaires-rédacteurs du Corps-Législatif et du Tribunat porteront un habit de drap noir fermé. 17. Le costume des messagers du Corps-Législatif consiste en un habit de drap bleu national, ceinture bleu clair, franges en soie de même couleur ; celui des messagers du Tribunat, en un habit de drap bleu clair, ceinture bleu national, franges en soie de même couleur. Celui des huissiers du Corps-Législatif et du Tribunat consiste en un habit de drap gris, ceinture rouge, franges en laine de même couleur.

Les hommes

Conseil des Cinq Cents & Corps législatif

Claude GLEIZAL :

Ardéchois natif de Génestelle (1761), fils de notaire, avocat, juge de paix du canton d’Antraigues (1791), membre du directoire du département. Élu en septembre 1792 député de l’Ardèche à la Convention, comme Boissy d’Anglas et comme son beau-frère Gamon. Alice Saunier-Séité (Le comte Boissy d’Anglas¸ France Univers, 2001, pages 140-141) le dit proche de la Montagne. En fait, il demanda dès décembre un décret d’accusation contre Marat et les auteurs de massacres de septembre ; lors des journées de mai-juin 1793, il s’opposa à la Montagne au point de devoir se cacher, comme compromis avec les Girondins. Représentant en mission, avec Servière, en Ardèche et dans la Lozère (avril 1793), il veilla à la bonne exécution de la levée des 300 000 hommes, s’opposa au pillage des châteaux (faisant preuve de courage physique, mais de méchantes langues rappelèrent que son père avait été le notaire du comte d’Antraigues), et manifesta un zèle particulier dans la traque des prêtres réfractaires, demandant qu’on triple la peine encourue par ceux qui leur donneraient asile : 

15. Mission de Gleizal et de Servière dans l’Ardèche et la Lozère. Il y a un rapport général: Convention nationale. Rapport fait à la Convention nationale par Claude Gleizal, commissaire envoyé dans les départements de l’Ardèche et de la Lozère pour le recrutement. Imprimé par ordre de la Convention nationale. Imprimerie nationale, s. d., in-8° de 16 pages. Il ne donne pas de date. Il dit que Servière et lui ont parcouru ensemble les chefs-lieux des districts et du département de l’Ardèche, ainsi que Villefort, chef-lieu de district, et Mende, chef-lieu du département de la Lozère. Ils s’assurèrent que partout les prescriptions de la loi du 14 février 1793 sur le recrutement avaient été remplies avec exactitude. Cependant les complices de du Saillant tentèrent de nouveaux soulèvements, que déjoua la fermeté des commissaires. Plusieurs des rebelles ont été jugés et exécutés. Un de leurs chefs, surnommé le petit Saillant, vient d’être arrêté. Le département de l’Ardèche a fourni beaucoup plus d’hommes qu’on ne lui en demandait. Mais, selon leur mandat, ils se sont occupés d’autres objets que du recrutement. Ils ont fait déporter quelques prêtres réfractaires ; ils ont enjoint aux prêtres élus de se rendre à leur poste. Ils ont obligé tous les citoyens à porter la cocarde nationale, selon la loi du 8 juillet 1792. Ils ont fait renouveler les certificats de civisme, transporté le tribunal criminel de la Lozère de Marvejols à Mende, effrayé partout les conspirateurs royalistes. Le rapport se termine par de curieuses remarques sur l’ardeur des sentiments catholiques des habitants de la Lozère et de l’Ardèche : les prêtres en abusent pour détacher les esprits de la République et les exciter contre les lois. (Recueil des actes du Comité de salut public, II, p. 309)

Lors du procès de Louis XVI, après avoir, seul de son département, voté contre l’appel au peuple, il avait fait partie des 46 « dont les votes conditionnels et indivisibles furent, sur leur réquisition formelle, ajoutés à ceux de la minorité en opposition à la peine de mort. Au dernier appel nominal, il vota pour le sursis à l’exécution. » Toutefois, le Dictionnaire des parlementaires d’Adolphe Robert, sans nier le revirement, lui attribue en première délibération le propos suivant : « Citoyens, je prononce la peine de mort contre Louis Capet, convaincu d’avoir conspiré contre la liberté et la souveraineté de la nation française, et je demande que la Convention statue de suite sur le sort de la famille du condamné, qu’elle ordonne la prompte exécution du décret du 16 décembre contre le reste de la race des Bourbons, après en avoir excepté les femmes, et fixé la durée de l’exil à quatre années. Je demande que la Convention prenne les mesures nécessaires pour assurer la tranquillité publique, et qu’après toutes ces précautions, qui peuvent être prises dans cette séance, l’on exécute demain la condamnation de Louis Capet. » Surtout, les Archives parlementaires (vol. 56, p. 415 et suivantes) reproduisent de lui des projets de décrets, en date du 26 décembre 1792, « sur la peine à infliger à Louis Capet, et sur les mesures à prendre après son jugement » : il y demande que le roi soit livré à l’exécuteur de la haute justice le 6 janvier, « jour des rois » qui sera décrété ensuite fête nationale ! Qu’il ait  » opiné pour le sursis  » ne laisse pas de surprendre… Après la chute de Robespierre, siégea au comité de législation. Auteur de nombreux rapports (outre ceux que nous venons de citer, un autre qui lui vaudra peut-être son élection comme secrétaire-rédacteur, relatif à un « projet de décret sur les élections, les assemblées primaires, le Corps législatif, le conseil exécutif, l’administration du département, les municipalités, les tribunaux, l’arbitrage et les bureaux de pacification » en date du 17 avril 1793), loué pour son style clair et sans emphase. A publié Coup-d’oeil sur la révolution française, ou précis des événements qui l’ont accompagnée depuis la convocation des Etats généraux jusqu’au mois de Fructidor, an 2…, chez Guffroi, (après septembre 1794 ?), 47 pages. Nommé secrétaire-rédacteur au Conseil des Cinq Cents, il est élu à cette assemblée par son département, en avril 1798 (germinal an VI), mais la loi du 22 floréal an VI l’empêcha de siéger et il dut se contenter de cette fonction de SR qu’il continua d’exercer au sein du Corps législatif. Considéré comme régicide, il devra démissionner en juillet 1814 et la pension de 4 000 francs qui lui avait été accordée lui fut retirée par la Chambre introuvable l’année suivante. En vertu de la loi du 12 janvier 1816, il dut s’exiler en Suisse. Il rentrera en 1818 pour mourir à Vaugirard en 1833, à 72 ans. Son fils Auguste sera à son tour représentant de l’Ardèche en 1849, puis (gauche républicaine) de 1876 à 1880. Gleizal avait constitué une bibliothèque historique, dont toutes les brochures parues de 1789 à 1816 et la collection du Moniteur officiel de la Convention, annotée de sa main.

2. Antoine-Louis LEVASSEUR de la Meurthe

est son aîné de 15 ans : il est né à Sarrebourg en 1746. Fils de procureur, il reprend la charge de son père et, en 1773, est agréé comme “maire royal de la ville et communauté de Sarrebourg”. Il est élu en 1790 procureur-syndic. En septembre 1791, le département de la Meurthe l’envoie à l’Assemblée législative et, l’année suivante, à la Convention. Il s’était fait inscrire à la société des Jacobins en 1791. Il vota la mort du roi (« Je vote pour la peine de mort, comme la seule qui doive être appliquée aux conspirateurs. ») après avoir repoussé la ratification par le peuple dans les termes suivants : « C’est par respect pour la souveraineté du peuple, et pour lui rendre un hommage sincère et non dérisoire, que je veux remplir le principal vœu de mon mandat, de faire selon ma conscience et mes lumières ce qui sera le mieux pour son salut, je dis non. » Et il se prononça contre le sursis. En mars 1793, il fut chargé avec Anthoine d’une mission dans la Meurthe et la Moselle ; ils prirent de sévères mesures à Nancy contre les mutins et firent dresser une liste de suspects. En avril, il fut envoyé auprès de l’armée de Moselle. Il est rappelé à Paris, à sa demande, en juin. Nommé secrétaire de l’Assemblée après le 9-thermidor, il fit partie du Comité de sûreté générale (2 septembre-5 décembre 1794). En 1795, il fit rendre un décret sur l’organisation de l’ordre judiciaire. Défavorisé par le tirage au sort de septembre 1795, il ne fit pas partie des deux tiers d’anciens Conventionnels retenus pour entrer dans le nouveau corps législatif et ne figura pas même sur la liste supplémentaire ouverte pour compléter l’effectif – ce dont il conçut une certaine amertume. Il obtint toutefois un des deux postes de secrétaire-rédacteur aux Cinq Cents. Appelé à y siéger en floréal an IV (mai 1796) pour remplacer un membre décédé, il se heurta au veto du Conseil des Anciens. Il continua donc de travailler aux procès-verbaux. En 1799, il devint administrateur des hospices de Paris, mais, après le 18 brumaire, reprit sa fonction de SR au Conseil législatif. Démis en juillet 1814 et atteint comme Gleizal par la loi de 1816, il passa en Belgique où il mourut en 1826, à Ixelles. Sources : Mémoires de la société d’archéologie lorraine, 1911 (53), pages 329-332 ; Galerie historique des contemporains, 1827. Biographie nouvelle des contemporains, par Arnault, Jay et al., 1823 ; Biographie moderne, par A. de Beauchamp et E. Psaume, 1816 ; J. P. Giboury, Dictionnaire des régicides, 1989.

Olivier Sauvageot (dit) DUCROISY

(Chessy 1752- Paris 1808), Champenois, ami de Marie-Joseph Chénier, bibliophile (il collectionne les œuvres de théâtre et celles de Voltaire, dont il constitue 14 volumes d’inédits très recherchés), auteur dans les années 1770 de comédies (La partie trahie par son conseil, Aurore et Azur, L’homme qui ne s’étonne de rien) et d’un opéra-comique (Le triomphe de la raison) qui furent représentés, mais non édités. En juin 1793, sous la Convention, il adresse au comité des pétitions une de ces demandes de gratification dont il paraît coutumier et fournit, à cette occasion, l’état de ses services parlementaires :

« Citoyens, Je suis chef de la 3e section du bureau des procès-verbaux et comme tel, je surveille et j’aide à la copie qui se fait des procès-verbaux pour être livrée à l’impression. Je lis et je corrige les épreuves des procès-verbaux. Je suis chargé, par décret du 7 septembre 1790, de cette dernière besogne qui, comme on sait, est extrêmement vétilleuse et demande quelque instruction, et de la première par un autre décret du 24 mai 1792. Depuis ces deux époques, on ne s’est jamais plaint que j’eusse mal rempli ces deux fonctions qui ne me rapportent cependant pas davantage que si j’étais un simple copiste, c’est-à-dire 150 livres par mois. L’Assemblée nationale législative (…) m’a chargé d’une troisième besogne, bien épineuse, bien délicate et que j’ai fait avec honneur (un décret du 20 septembre 1792 le constate) : je veux parler de la recette des dons patriotiques. En six mois j’ai touché 900,000 livres et plus. A la fin de la session, l’Assemblée législative m’a gratifié de 600 livres. Ce n’est pas le dixième d’un denier pour livre. Au commencement de sa session, la Convention m’a confié de nouveau la recette des dons patriotiques. Ils se montent, depuis le 21 septembre dernier, à près de 500,000 livres. On n’a point augmenté mes appointements et l’on n’a pas encore considéré que je suis responsable de fait. Je demande que le comité veuille bien me faire accorder une gratification de 450 livres, à raison de 50 livres par chacun des neuf mois [écoulés et] que ces 50 livres par mois (…) me soient continués… »

Il obtiendra satisfaction ! On notera que la gratification de 600 livres à laquelle il fait allusion lui avait été attribuée en septembre 1793 sur intervention de son ami François de Neufchâteau, qui avait fait valoir à l’Assemblée que Ducroisy remplissait à lui seul une fonction qui occupait quatre personnes sous la Constituante.

Quant à ses fonctions à la troisième section du bureau des procès-verbaux, la “partie typographique”, voici comment les définissait le décret de mai 1792 :

M. Ducroisi aura la direction de cette partie : le procès-verbal lui sera remis le second jour, il l’expédiera dans le jour suivant, le collationnera et l’enverra à l’impression ; il sera tenu de corriger exactement les épreuves ; il tiendra registre des noms des présidents et secrétaires en fonctions qui doivent signer le procès-verbal, notamment des secrétaires-rédacteurs, et il fera mention des impressions ordonnées par l’Assemblée ; il aura deux commis sous sa surveillance. (AP 44, p. 58, 24 mai 1792).

En août 1793, Ducroisy sera nommé commis en chef des procès-verbaux, aux appointements de 2 400 livres.

Le Conseil des Cinq Cents et celui des Anciens s’en sont donc remis à un technicien éprouvé quand ils l’ont tous deux élu en premier pour les fonctions de secrétaire-rédacteur. Ducroisy ayant aussitôt accepté l’offre des Anciens, c’est là qu’il officiera, avant de se voir reconduit par le Tribunat. Dans cette dernière assemblée, qui disparaît en 1807, non seulement il est seul, mais il est en outre secrétaire de la questure et caissier ; en 1806 (?), il est d’ailleurs remplacé par Thibaut, qui est aussi chef du secrétariat général et des archives.

La base Opale de la BNF attribue à Ducroisy les œuvres suivantes :

  • Remède contre l’insomnie, Chessy, chez l’auteur, 1784, 23 p.
  • Voyage de Paris à Metz, adressé à M. Bernard, par M. Du Croisi, Amsterdam et Metz, 1786, 16 p.
  • Placet d’un membre des communes à M. de Flesselles, prévôt des marchands (2 p., sans lieu ni date).
  • Adresse aux bons patriotes [en faveur de la tragédie de Charles IX par M.-J. Chénier, que la Comédie-Française n’ose pas représenter], 19 août 1789, 1 p.
  • Lettre de M. Du Croisi à M. le marquis de Lafayette, et réponse de ce général [A MM. Les représentants de la commune de Paris et à MM. les officiers de la garde nationale, signé Du Croisi, 17 septembre 1789.
  • L’homme aux trois révérences, ou le Comédien remis à sa place, étrennes à ces messieurs pour l’année 1790, par un neveu de l’abbé Maury, 4 p.
  • Lettre de M. Du Croisi à M. J.-L. Laya, auteur d’une tragédie de « Jean Calas », Imprimerie nationale, 1791, 11 p.
  • Épître au citoyen François [de Neufchâteau] sur sa renonciation au ministère de la Justice, Paris, Imprimerie nationale, 1792 (12 p.).
  • Épître à M. Chénier sur sa tragédie de Caïus Gracchus, représentée… au théâtre de la rue de Richelieu, le 9 février 1792. Imprimerie nationale, 6 p.
  • Le 7 juillet 1792, l’an IVe de la liberté. Couplets sur la réunion de tous les membres de l’Assemblée nationale. Paris, Desenne, 1792.
  • Le mois de février aux mois de janvier et de mars, couplets sur le calendrier républicain, frimaire an II.
  • De la manière de présenter les faits et de celle d’envisager les choses, 19 décembre 1792, 3 p.

Installation du Conseil d’Etat, par Couder (détail) ; on peut imaginer que le personnage en bas de la tribune est Locré.

Jean-Guillaume LOCRÉ [parfois dit Locré de Roissy]

(Leipzig, 1758-Mantes, 1840). De retour d’Allemagne, son père Jean-Baptiste (1726-87), fils d’un marchand de tissus parisien, établit en 1771, à la Courtille, rue Fontaine-au-Roi, la première manufacture de porcelaine à la façon de Saxe. Reçu avocat en 1787, Locré devient quelque temps (1791) juge de paix à Bondy où il est électeur. Après le 20 juin 1792, il prétend avec quatre de ses collègues instruire contre ceux qui ont envahi les Tuileries. Il doit bientôt se retirer dans l’Yonne, pour sa sûreté. En 1794, chargé par les habitants de Joigny d’une mission auprès de la Convention, il rencontre Merlin et Cambacérès, qui venaient de recevoir mission de classer les lois nouvelles et qui lui proposent de réaliser ce travail comme secrétaire du comité de législation. « Locré rédigea un plan ingénieux, qui parut si remarquable que le comité de salut public le fit écrire à la main, encadrer et placer dans la salle de ses séances. Son nom trouvé dans les papiers de Quatremère, une lettre pleine de sentiments religieux, ranimèrent contre lui la fureur révolutionnaire : un mandat d’arrêt fut lancé ; on l’arrêta dans ses bureaux, mais Cambacérès ayant déclaré au comité de salut public que le prisonnier était l’auteur du tableau placé dans la salle des séances, le mandat fut retiré sur-le-champ. Locré continua avec ses deux protecteurs les travaux du code civil… » De 1795 à 1799, un des deux secrétaires-rédacteurs du Conseil des Anciens (il affirmera plus tard avoir fait le travail tout seul pendant deux ans). Collabore parallèlement au Journal des Débats (jusqu’en 1797). En décembre 1799 (4 nivôse an VII), il est nommé secrétaire général du Conseil d’État, poste qui ne lui sera enlevé que lors de la deuxième Restauration (il avait signé la déclaration du Conseil d’État du 24 mars 1815) – il se réinscrit alors au barreau de Paris, donnant des consultations tout en poursuivant la rédaction des grands ouvrages de jurisprudence commencés sous l’Empire. Il aurait fini sa vie dans la gêne et la cécité.

« [Certains ont] cru de bonne foi que Locré, secrétaire général du conseil d’État, était, sous l’inspection du consul Cambacérès, le teinturier du premier consul. C’est une erreur : Locré rédigeait les procès-verbaux des séances, et envoyait sa rédaction imprimée à mi-marge aux membres du conseil, afin qu’ils puissent la rectifier, s’il y avait lieu. Le secrétaire général ne se permettait pas d’autre licence que celle de mettre en état de supporter l’impression quelques phrases qui avaient parfois le négligé de la conversation. (…) Par sa rédaction, Locré a donné à tous les discours un style neutre, grave, froid, uniforme, tel que peut-être l’exigeait la matière. Mais, loin d’avoir flatté le premier consul en le faisant parler comme tous les autres, ses discours, par cette rédaction, ont, au contraire, perdu la liberté et la hardiesse de la pensée, l’originalité et la force de l’expression. » (Thibaudeau, Mémoires sur le Consulat, 1827, p. 412). Pourtant, Napoléon, qui l’avait fait baron en 1813, disait de lui : « Quel recueil que les procès-verbaux de monsieur Locré ! On y trouverait mot pour mot tout ce que je raconte. » (Las Cases, Journal de la vie privée.., p. 303). Auteur de L’Esprit du code civil (1806, 7 vol.) / du code du commerce (1808-13, 10 vol.) / du code de procédure civile (1816, 5 vol.) et, en 31 volumes, de La législation civile, commerciale et criminelle de la France (1826-32). Sources : Hoefer, Nouvelle biographie générale. Biographie universelle d’après celle de Michaud, Bruxelles, 1845 ; Arnauld et al., Biographie nouvelle des contemporains ; Roble, Vieilh, etc., Biographie universelle et portative ; Quérard, La France littéraire ; Loménie, Galerie des contemporains illustres

Il est remplacé par :

Pierre-Jacques (James) Hippolyte LETELLIER

(1769-1831), avocat né à Bar-sur-Aube, « alla fort jeune à Paris, où il se montra, dès le commencement, partisan de la révolution, et composa plusieurs brochures pour en appuyer les principes. » Entré au ministère de la Justice, est adjoint aux “commissaires pacificateurs” Gensonné et Gallois envoyés par la Constituante en juillet-septembre 1791 pour apaiser les premiers troubles de Vendée. Secrétaire “intime” de Masséna pendant les guerres de la République, il est donc nommé en 1800 secrétaire-rédacteur du Tribunat. Il exercera ensuite la même fonction à la Chambre des députés, et même après les Cent Jours mais, remplacé par Aimé Martin en 1815, il reprit son métier d’avocat au début de la deuxième Restauration [En 1829, lorsque le bureau choisit parmi les candidats au remplacement d’Aimé-Martin, il obtint encore 5 voix sur 11 au premier tour, mais il semble que son nom n’ait pas été retenu]. On lui attribue « plusieurs écrits politiques et littéraires, qu’il fit paraître sous le voile de l’anonyme ». Auteur de Tableaux historiques extraits de Tacite (2 vol., 1825). Sources : Biographie nouvelle des contemporains ; Biographie universelle d’après celle de Michaud, Bruxelles, 1845.